jeudi 13 avril 2023

Andenne, épisode 3

Le conseil communal se saisit de l'affaire. Où l'on entend le bourgmestre me comparer à Dieudonné et me traiter (sans me connaître, il l'avoue) de pseudo-artiste pistonné par votre parti (sous-entendu Ecolo). Désolé, Monsieur le bourgmestre, je me définis comme anarchiste.

https://www.youtube.com/watch?v=tAsLPCTp9yU

Du coup, le journal "L'avenir" pose la question : est-ce de la censure?  Bouké-média en parle aussi et la RTBF Namur (fréquence Wallonie) m'interroge pour le journal du matin.

https://www.lavenir.net/regions/namur/2023/03/28/conseil-communal-dandenne-le-poete-timoteo-sergoi-censure-selon-lopposition-SUCPULMKTRH6NLMS726ZS6ICLE/

L'affaire remonte ensuite encore d'un étage : 2 conseillers communaux (Ecolo et Engagés) interpellent la Ministre de la Culture Bénédicte Liénard en commission du parlement FWB. Est-ce de la censure? Le Collège a-t-il le droit d'agir de cette façon? Elle répond en parlant de Paternalisme Pusillanime. Pusillanime? Qui n'a pas de courage.

https://www.facebook.com/watch/?v=141988562170838

Et tout ça pour une phrase qu'ils ont voulu faire taire et qui est répétée partout :


"Je vous salis, ma rue" disait Prévert "et je m’en excuse […] les éboueurs vont passer avec leur valet mécanique et tout sera effacé »

C'est la Ministre Liénard qui le souffle en commission. Et je trouve très beau que de la poésie soit défendue aussi haut dans les arcanes de l'Etat.

samedi 18 mars 2023

Andenne, épisode 2

 




Sur le sol du parc Dieudonné, à Andenne. Ce vendredi matin, le Conseil Communal a finalement donné son avis : oui, l'exposition est autorisée... mais sur aucun bâtiment communal. Ni le kiosque, ni l'hôtel de ville, ni le parc, ni la façade de l'annexe... Autrement dit, ils sont assez intelligents pour ne pas interdire (ne pas être taxés de censeurs) mais ils ont retardé de 2 semaines l'installation de l'expo et ont fini par dire "Oui, mais pas chez nous!" De la censure? non, puisque c'est autorisé.

Reste au Centre Culturel à trouver d'autres lieux. Des façades privées, une galerie marchande, ... et à moi de choisir mes mots, à moi d'affuter ma plume. Voilà le premier texte : "Nous sommes une forêt de plumes. Nous sommes un nuage d'étourneaux qui effeuille son arsenal. Nous sommes un régiment entier de galets taillés en silex prêts à allumer l'incendie des villes ou à tailler le cuir des rois. Nous sommes une armée de poètes."
 
Qui va lire? Les rois ? Ou les serfs qui promènent leurs chiens? Je peins sous l'œil d'une caméra de surveillance. C'est Lorenzo, petit garçon, qui me le signale. Puis il repart jouer avec son arme. Un revolver en plastique, pas une plume.

jeudi 2 mars 2023

Andenne, ville des ours

 


« Tu vas chez les ours ? » grogne Dominique. Elle est Andenaise d’origine et n’en garde pas un bon souvenir. Oui, certains d’entre les habitants de cette ville se prennent pour son symbole : l’ours. Mal léché parfois.

Un coup de téléphone hier a semé la panique : je suis invité par le Centre Culturel, les dossiers sont déposés depuis longtemps auprès des autorités compétentes, mais la Ville n’a pas encore donné son autorisation complète. Elle demande « l’intégralité des textes exposés dans les rues ». Censure ?

Séverine, qui s’occupe de coordonner le projet s’écroule. Elle y travaille depuis un an. « Vous comprenez, monsieur Sergoï, il va falloir retarder le montage d’une semaine ou deux. » dit le directeur. Non, je ne comprends pas. Il y a quelques jours, déjà, nous avions assoupli les angles et arrondi les jointures : pas le mot « chier », pas d’affiche sur le monument, pas de « Capital est une maladie » au terrain de tennis, nous avons dit d’accord. Alors pourquoi la veille du montage cette nouvelle montée d’adrénaline ?

Attention. La Ville tient en mains la subvention du Centre Culturel. Si nous désobéissons, c’est l’emploi de Séverine qui est en otage. Autour du café, ce matin, il y a Séverine, désolée et atterrée, Eric le régisseur prêt à aider si nous décidons de coller malgré tout, Kenzo qui approuve et se voit prêt à désobéir, puis la jeune femme qui s’occupe de la communication du CC. « Que dirait-on si on annonce sur Facebook le report de l’expo à cause de la décision de la Ville ? » « C’est comme une déclaration de guerre, dit-elle. On n’a pas le droit de dire du mal de nos employeurs. »

Je cite les exemples de Sprimont l’an dernier où la population avait répondu à la même menace « Affichez-le à ma fenêtre, ils n’ont rien à dire ! » ou celui de Eghezée en 2020 où quatre jeunes ont réagi à la même situation en collant mille autocollants contre la censure. Il y a une action à penser, et il faut la mettre en place sans menacer ni Séverine ni le Centre Culturel.




- Où pouvons-nous afficher en nous passant de leur autorisation ?

- J’ai celle des écoles primaires et secondaires. Et la maison des jeunes.

- Bien. Il y a aussi les magasins.

- Tu as compté les panneaux d’affichage libre ?

- Il y en a deux. C’est déjà ça, et ils sont dans la rue où habite le bourgmestre.

- Parfait !





- Et la façade du Centre Culturel. Tu peux y peindre.

- Un grand « Obéir n’a jamais changé le monde »?

- On y va.

- Tu sais le pire ? La bibliothèque communale, lieu de la poésie par excellence, n’entre pas dans le projet. Peur de salir les vitrines. Peur de contrarier les ours. Ce sont les ours qui ont le pouvoir.

- Les abeilles peuvent en venir à bout.





L’exposition se tiendra donc dans les rues d’Andenne à partir du 17 mars et jusqu’au 30 avril. Ce jour-là, un atelier tout public poésie et linogravure le matin, puis mon spectacle Poketo poketo à 15h au Centre Culturel. Info : 085 84 36 40

Verviers, ville des mots, ville des maux.

 




Verviers, ville détruite, démontée, écroulée. Et qu’un poème ne relèvera jamais. « Pépinière d’artistes » disait mon père qui ne venait pas de là. Rapsat, Maurane, Anciaux, Guy Cabay, Steve Houben pour la musique. Henri Vieuxtemps déjà. Hausman, Cabodi, Macherot, Deliège, Leloup pour les beaux-arts. Il n’en manque pas, c’est vrai. Aujourd’hui, en collant mes cent affiches, je me souviens que j’y ai habité aussi. Mais où sont les boutiques ? Qui sont les piétons ?





Une vague islamophobe il y a 5 ou 10 ans a fait de cette agglomération une cité-cœur du terrorisme parce que trois musulmans y concoctaient des plans machiavéliques. Déjà la ville s’est vidée, couverte de poussière.





Puis l’an dernier une vague, bien réelle, d’eau et de cailloux a dégorgé de la Vesdre, la rivière de la ville, qui circulait entre les rues, pour engloutir les magasins, les vitrines, les voiture et les postes électriques, emmener les balcons, détruire les monuments, dévaler les escaliers, grimper aux étages et dévorer le plâtre des plafonds.





Il ne reste du Verviers que j’ai connu que quelques rues difficiles et défoncées. Des travaux partout. Des barrières pour ne pas circuler. Des pelleteuses qui déversent la caillasse dans le tambour immense et métallique des camions-bennes poussiéreux et le biip-biip insupportable de ces engins de chantier pour remplacer les mouettes qui se perchaient sur la rambarde du quai.





Je colle cent poèmes sur les murs et les portes vitrées de tous les magasins vides. A vendre. Chaussures vides. A vendre. Restaurant aux tables dressées. A vendre. Boulangerie sans plus de pain. A vendre. Vitrine de l’horlogerie. A vendre. Ni bijoux, ni jouets, ni vêtements de noces. A vendre. Comptoir de poussière et puis d’oubli. A vendre. Le soleil est là pourtant qui annonce le printemps des chairs. Verviers fut ville de laine. Les horloges lui tricotent une layette avec deux aiguilles de patience. La ville renaîtra un jour, un matin comme celui-ci est promis déjà.

Alors je colle la centième affiche qui dit « Ne serions-nous pas nés pour vivre cet instant précis ? »

Sans doute. Oui.





A l’invitation du centre Culturel de Verviers, merci Laurianne, et dans le cadre de l’opération Verviers ville des mots (FWB). Info : 087 39 30 60. Les photos sont de Christian-Marc Chandelle. merci.




Pour en finir avec les prisons 

 


Voilà. J’ai donné mes ateliers dans les prisons. Merveilleuse expérience. D’une richesse infinie et nourrissante. Parler de beauté et d’amour avec des détenus est quelque chose de rare et de bouleversant. Pour achever le travail, j’ai fait imprimer cette gravure en affiche géante et j’y ai inclus les texte des ateliers. Outre la mienne avec le texte d’origine, cela fait deux versions : celle de Paifve et celle d’Andenne. J’avais des contacts avec la prison de Namur, celle de Huy, celle de Marneffe et l’IPPJ de Namur. Dommage que cela n’ait pas pu se faire. On apprend vite à s’adapter : un gardien malade et la prison se ferme. Une grève, une épidémie et tout se bloque à nouveau. Un changement administratif et il faut tout reprendre. Ce sera pour la prochaine fois.

En attendant, ces affiches trôneront dans la salle des visites. Vous pouvez être fiers, messieurs, de la beauté de vos âmes. Elles en sont le témoin.

Et toi, lecteur.trice, prends le mot « sommeil » comme métaphore de l’emprisonnement, tu comprendras la poésie de ces mots.





mercredi 7 décembre 2022

Fly Qatar, Best World's Airlines (Prisons, épisode 1)

     

L'histoire se passe au Qatar. Quelques millionnaires se disputent un ballon de cuir qui fait sursauter tous les pauvres du monde. A chaque "Ploum" du pied dans le ballon, amplifié par un micro pour la télévision, des millions de gens assis se lèvent pour hurler "Mais passe-lui, passe-lui le ballon bordel! Il est tout seul, là! Non! Pas comme ça!"

    Personne ici ne connaissait ce pays minuscule et désertique avant les pots de vin de la FIFA qui ont permis que la coupe du monde se joue là, que les stades soient construits pour dix jours d'utilisation en entraînant la mort d'ouvriers afin que ces millionnaires puissent avoir un beau gazon vert au milieu du désert. Personne. Mais nous parlerons de l'état du monde un autre jour.

     Ce soir, je suis assis par terre sur le carrelage froid d'un couloir de prison. Je viens de donner un atelier Poésie à quelques détenus avec qui nous avons parlé de la Beauté.

     L'atelier s'est achevé, c'était prévu, à l'heure où a télé s'est allumée. Les gardiens de ce couloir-ci ont autorisé ce "mouvement" (qui implique ouvrir et fermer cinq ou six lourdes grilles l'une après l'autre, ne pas oublier de fermer la première pour pouvoir ouvrir la suivante) et ce rassemblement exceptionnel dans ce bout de couloir. L'évènement est national. C'est la Belgique qui joue contre la Croatie. 

     Toutes les portes des cellules sont fermées. Seuls ceux qui ont demandé la permission de venir auront vu leur porte s'ouvrir. Et nous voilà à quinze, peut-être vingt avec des ergothérapeutes, les éducatrices, l'aumonier et deux ou trois matons devant un paquet de chips (c'est exceptionnel) et de la grenadine (pétillante ou plate? Que préfères-tu? Pas trop de sucre, ça excite. C'est vrai. Tiens ton gobelet en plastique. Merci.) Les détenus s'entassent sur les fauteuils, ils sont calmes, costauds pour la plupart en survêtement de sport. C'est presque l'uniforme, même les jours sans foot. 

     Thilemans prend le ballon. Les Croates le lui reprennent. Ils attaquent, ils tentent, ils avancent, il tire! Raté. Thibauld rattrape tout. Nous avons un excellent gardien de but.

     "C'est quoi, la Beauté?" Je repense à cet atelier poésie. M me répond "La Beauté? C'est la peur dans l'œil du flic qui défonce ma porte et entre dans l'appartement. Je m'enfuis par la fenêtre, ma copine hurle. C'est la Beauté. En voiture, je fonce dans le barrage de police. C'est ça, la Beauté." et il ajoute. "C'était le plus beau jour de ma vie. Vraiment. Mais c'est pour ça que je suis ici." 

      La semaine dernière, M m'avait parlé de Baudelaire, il avait osé la poésie et précisé "L'Art, c'est le souvenir du divin." Qu'a donc dans la tête et dans le sang ce type capable autant de tuer que de lire des vers?

      "Dans le poteau! Le ballon a rebondi sur le poteau! Oh Noooon! Lukaku se trouve dans une forêt de Croates!" dit le commentateur. Une belle occasion ratée, vraiment. "Allez les diables!" Un cri dans le couloir.

     L'atelier encore revient à ma mémoire. Et toi, JM? Ton meilleur souvenir de beauté? "Dans un pré, dit-il. Dans un pré, debout et libre. J'avais une permission de deux jours. Je suis resté dehors. Oui, je sais, c'est con. Parce que j'ai perdu tout droit de sortie. Ils sont venus me rechercher. Mais cet instant-là. Debout et libre dans un pré." Je regarde autour de moi. Au bout de ce couloir, les caméras, les grilles, le bureau vitré des gardiens, les murs haussés de barbelé, un pré. J'y serai ce soir. 

     Une porte  de cellule tremble. Un détenu enfermé frappe pour faire entendre "Gooooaaaall! Le Maroc a gagné! Ouiiiii! Vive le Maroc!" Sa voix étouffée par le métal épais est tout de même entendue par ses compatriotes. Quelques mots échangée en arabe. Ils se réjouissent. Ce sont de grands enfants détenus qui jouent avec la mort et la souffrance. Une beauté terrifiante et fascinante.

     "Oui mais tu vois, me confie B, regarde : le rap c'est de la poésie? C'est nul. Mais ça leur apporte du fric. Tu les vois tous avec des chaînes en or, de grosses bagnoles et des filles à moitié à poil. C'est ça la poésie? Où est la beauté, la qualité, tout ça?" - " On se fout du pognon, lui dis-je. Toi, tu es poète. Le pognon salit tout. Regarde le foot." Tout autour du terrain, les publicités clignotent: "Visa-Visa-Visa- Fly Qatar Best World Airlines - Visa - Hyundai - Visa." Mais nous parlerons de l'état du monde un autre jour.

      Seconde mi-temps. Le foot a repris toutes les attentions. Il ne reste plus de chips. Retour au sol froid du couloir. Et la tension monte un peu. L'enjeu est important. Si la Belgique perd ou fait match nul, les joueurs quittent le tournoi et rentrent chez eux. Onze millions de Belges se projettent avec leur fierté nationale "On les aura! Nous sommes les plus forts, moi le chauffeur de bus, moi l'ergothérapeute, moi l'institutrice contre ces Croates qui ne savent pas jouer!" Mais c'est toujours 0-0. Et le ballon vole à nouveau juste au-dessus du but. Pas dedans, juste au-dessus. 

     Dans ce bout de couloir, vingt-cinq pauvres crient pour la victoire de onze millionnaires entre deux pubs pour des boissons gazeuses qui les empoisonnent. Mais nous parlerons de l'état du monde un autre jour.

     L'un d'entre eux se sent mal. Trop stressé. Un médoc peut-être qu'on lui a injecté dans les veines. Il veut retourner à sa cellule. "Chef, je peux retourner?"

- Attends la fin. Dans dix minutes. Tous en même temps, sinon, on s'en sort pas."

- Mais chef, je suis mal, là, faut que j'y aille.

- Cinq minutes. C'est presque la fin.

Un autre se lève:

- Tu fais le malin, chef? Tu veux pas qu'il y aille? Pourquoi tu dis ça? C'est ton boulot, merde!

     La tension du match, le sucre de la grenadine, le résultat décevant (toujours 0-0 et les Belges devront quitter le Mondial) et cette odeur de souffrance et de douleur qui traîne dans ces couloir finissent par déborder.

- Bon allez, on éteint, tous en cellule!

     
Le gardien donne de la voix. Un peu de peur dans son œil. De cette peur qui fascinait M. Et vingt enfants de 90 kg lèvent leurs carcasses blessées tatouées, musclées et déçues par la vie. 

Les millionnaires ont perdu. Les pauvres sont en prison. Dispersion. Fin du match. 

Nous parlerons de l'état du monde un autre jour.

Et une nuit, Tournus!

     




Retour au sauvage. Assez de travaux commandés, assez de public ciblé, de demandes subventionnées, je retourne dans la brousse des villes inconnues où je ne suis pas invité. 

Encore que...

   Sept personnes m'attendent Place de la Craie à Tournus. Ce n'est pas le nom de la place. Ils l'ont rebaptisée comme ça à la craie sur un mur. La maison de L est bardée déjà d'affiches et de mots doux. Elle imprime ses gravures à la cuillère sur la table de sa cuisine. 

   E et H sont venus. Ils sont grands tous les deux et portent une échelle d'aluminium sur l'épaule en arrivant à vélo. "Ce sera utile..." N et P sont là aussi "Nous somme les plus petits, nous nous occuperons du bas des affiches." J porte sourire fort et boucle d'oreille. C'est un grimpeur. B a préparé de a colle. J'ai un sac d'affiches. Nous quittons la place pour explorer le quartier. La maison du docteur a un très beau pignon : On y place un arbre en trois pages. La maison des femmes a rénové sa façade. Une petite main suffit. "Les lycéens passent devant cet immeuble chaque matin" Alors l'affiche "Tu es poète!" Le kiosque, la place de la Mairie, la salle de concerts, ils connaissent tous les spots.

   Ils connaissent aussi toutes les caméras, et on s'en moque. Le café abandonné? Quelques mains endormies tachées d'encre. L'entrée d'une ruelle? Trois regards de bouche. Le quai? un conteneur? Le poids des mots fera crouler les murs. 




   Mais ici, le mur est plus haut : Oui, mais si on la colle assez haut, personne ne viendra l'ôter. J attaque, agrippe la gouttière, empoigne le balcon, se pose en haut d'un poteau. on lui passe la brosse à colle puis une affiche, il plaque tout et saute au sol. "Celle-là, elle restera!"

   A ce propos, L veut me montrer quelque chose. Une petite rue qui doit dater du moyen-âge. Les réverbères y font des taches de lumière. Un arbre dépasse au-dessus du mur. Et là? Une fenêtre au volet clos depuis longtemps. Abandonnée sans doute. Mais sur ce volet, intouchable depuis trois ans, une affiche. Un corbeau. Le "Pirate" habite la rue depuis mon passage ici l'été 2019 sur la péniche.

   Je me souviens de ce collage express sur l'heure de midi. Cette ville médiévale magnifique m'avait appelé. Je suis descendu du bateau une heure armé d'un seau et d'une brosse pour placarder dix affiches en plein jour. Le lendemain, un message sur Fb m'interpelait "C'est vous qui avez fait ça?"... euh... Oui, si vous n'êtes pas de la police... c'était L. 

   Qui se doutait de nous deux qu'un jour je m'installerais dans le coin? Qu'une nuit je reviendrais coller ici avec la complicité de 7 habitants? Que cette affiche "le pirate" aurait réuni cette bande qui ce soir m'accompagne? Cela mérite un autre coup d'éclat. Le cosmonaute prends place sur le même mur au milieu d'une fenêtre murée. 

   La nuit fut magnifique. Une trentaine d'affiches sont collées. Ils me promettent de photographier tout ça demain. Puis très vite, on se disperse, et mes phares éclairent lorsque je démarre un rayon de lumière. C'est l'échelle sur l'épaule de E qui repart à vélo dans le silence de minuit. Merci. 




mardi 8 novembre 2022

Viens Voir! Lons-le-saunier en novembre.

 Viens voir! est le titre d'un salon de poésie et d'images originales qui se tient pour la seconde fois à Lons-le-Saunier (Jura Français). On y croise des graveurs barbus, des dames imprimeuses, des poètes debout, d'autres assis un livre en main... 






Une dame arrive à ma table, essoufflée.

- Alors c'est vous, Timotéo? Ca fait deux ans que je vous cherche. Un soir, à St Claude, je sortais d'une réunion, et j'ai vu une affiche. J'ai lu. C'est très beau. Je n'habite pas là, oh non, mais à chaque fois que je venais à St Claude pour une réunion, je revenais à l'affiche. J'ai pensé l'arracher pour l'emporter chez moi. Impossible, elle collait trop bien. Alors j'ai pensé la photographier. Mais le temps de revenir quelques  semaines plus tard avec mon appareil photo, elle n'était plus là! Depuis, je cherche Timotéo. J'ai vu votre nom au programme, et je me suis demandé. Voilà. je vois vos affiches sur la table, je n'ai aucun doute, c'est vous.

- Vous vous souvenez du texte?

- Oh ben, ça parlait d'amour... tout noir... Un arbre?

- Il est ici, dans ce livre. C'est "Le lendemain"

- Oui! je le reconnais! Oh mon Dieu...

- Je vous l'offre, votre histoire est un merveilleux cadeau. Merci. 
















Et ce dimanche soir, en clôture du salon où j'ai rencontré durant 3 jours des tas de gens formidables (les graveur.ses Céline Thoué et Quentin Préaud pour ne dire qu'eux), j'emmène 80 spectateurs pour un Poketo Poketo Poumpoumpoum mémorable. 


Si je peux penser "Ca y est, j'ai dit mon poème et je peux à présent rester debout et immobile durant plusieurs secondes en les fixant dans les yeux un par un, c'est gagné. J'ai dit de la poésie sous la pluie, dans le noir, pieds nus sur le macadam ou debout sur un banc public et ils ont perçu avec moi l'émotion qui coule dans ces veines-là. A présent je me tais (1-2-3 secondes) et le silence (4-5-6 secondes) et l'immobilité (7-8-9 secondes) ne sont plus rien (10-11-12 secondes). Et ce Plus Rien est la Poésie (13-14-15 secondes. Top. Je peux parler à nouveau.)





vendredi 30 septembre 2022

Neuville-Sur-Ornain : un lavoir, des mots et des poissons



Et voilà que le rideau tombe, que les acteurs sortent de scène et que l'histoire s'achève. Nous sommes mercredi 28 septembre.

Les acteurs ont joué leur propre rôle et la vie était réelle. Sauf pour l'un d'entre nous : moi. Celui qui se dit poète. Pour pouvoir jouer ce rôle trop grand pour mon petit corps d'un mètre quatre-vingt, j'avais enfilé un costume, une paire de lunettes dorées, des mocassins cirés et un large foulard rouge lancé sur mon épaule. Et je me suis amusé comme un fou (puis-je jouer un autre rôle que celui du fou?) à gesticuler pour remercier, pour accueillir, pour expliquer, déployer, justifier tout ce qui couvrait les murs de ce lavoir ancien. des mots, des phrases, des affiches en forme de poissons géants.

















Comment en suis-je arrivé là? Le festival POEMA m'a invité à cette résidence d'écriture. La communauté de communes de Revigny-sur-Ornain (COPARY) a trouvé les moyens de m'héberger durant deux fois dix jours. Et ce furent vingt jours de rencontres, de raconteries, de confidences sur les lieux que chacun, chacune avait aimé. Et l'heure des retours étant arrivé ce mercredi soir, j'ai affiché 60 grands papiers sur toutes les façades du lavoir, dont certains font 2m², puis les autres collés à la suite pour former des poissons de rivière aux tons de gravure noire. Sur la peau dorée de ces gardons, truites, brochets et tanches mélangés se tatouaient des textes, des témoignages, des mots et des phrases récoltées sur les lèvres des habitants d'ici.



Cinquante personnes. Oui, cinquante personnes me suivent pour explorer, écouter, découvrir avec Gilles de St Gilles, le personnage débordant de mon spectacle Poketo poketo poketo poumpoumppoum. Et cela restera affiché un mois encore. Courez y voir, c'est magique. Et voyez déjà ceci : les photos de Laurent Nembrini

En fin de soirée, assis sur le long banc de pierre, je me repose un peu. Une dame vient alors vers moi. Elle sort un petit bout de papier de son sac. "C'est de vous, ça? je l'ai copié sur un mur, à Chassepierre, en Belgique, cet été..." Et elle lit "L'artiste est un anti-plombier de l'imaginaire. loin d'empêcher les fuites, il est là pour les  provoquer. Un air de fuite traversière..."

Oui, madame. Merci. Merci à chacun, chacune, POEMA (Sandrine et Franck, Mathieu), merci à Copary (Paolo), merci Loïc, merci Michel, merci Marie-France et chaque habitant de ce département. C'est beau, la Meuse! 



Les travaux des participants à deux ateliers poésie et linogravure étaient affiché aussi. 

 











mercredi 21 septembre 2022

Ganshoren, Coupe-paupières!

Allez voir! Le centre Culturel "La Villa" à Ganshoren (Bxl Nord) m'a invité à coller sur ses murs. Et ce sera visible jusqu'au 14 octobre.

Merci. 

Mais tout le monde n'est pas d'accord. 

Qu'importe.



Forts de l'autorisation communale, nous promenons l'échelle avec Félix mon assistant du jour et Emilie, de la Villa. La première banderole rassemble déjà toutes les difficultés. Nous l'installons, tranquilles, entre deux arbres autour du rond-point. Il est 10h du matin.

- Que faites-vous ici? demande un passant

- Nous tendons de la poésie entre les arbres.

- Ce n'est pas chez vous, ici, ni à la commune. Le pied des arbres est dans ma propriété, et je ne vous donne pas le droit de les placer. Nous sommes une centaine de copropriétaires, et je sais que cela ne plaira pas à tout le monde...

Ah. Alors nous allons la mettre ailleurs.

- Dag meneer, wat doen jullie? En waarom zijn deze worden niet in het vlaams?

- Volgende keer zullen wij doen, madame, maar dit keer is het met de franstalige cultureeel centrum...

- Tatata! Waarom?

Ah. Alors nous la tendrons encore ailleurs. Mais si nous revenons une heure plus tard :

- Où est passée la banderole? Elle a disparu.

Les dix autres devront rester un mois. et il se met à pleuvoir sur les affiches que nous venons de coller. Il y a tout de même une vingtaine d'installations sur le territoire : affiches papier, petit ou grand format, banderoles joyeuses et poétiques. Allez voir. C'est jusqu'au 14 octobre.

L'optimisme est la nature même de cette poésie qui nous promet un nouveau monde.












photos : Emilie Aires, CC la Villa. Merci. Allez voir sur place, c'est encore mieux!

La marche des philosophes, vécu raconté et vu!

 


Ca y est, nous l'avons fait! Cette septième Marche des Philosophes, cette tournée à pied dans la province de Namur, ce théâtre itinérant pour aller crier au milieu des potagers que le monde est foutu et que nous voulons en rire! 




Durant quinze jours, et pour quinze représentations, chaque jour, quinze kilomètres à pied et chaque soir, une représentation énergivore. Mais le résultat est là : un petit millier de spectateurs touchés, 180 km parcourus et 13 piétons pour nous accompagner. 




Des lieux aussi magiques et divers que l'habitat groupé de Ohey, le magnifique manoir de Froidefontaine (XVème siècle!), la cour de chez Bruno à Heure-en-Famenne (bravo pour la fresque, Mirko!) ou le jardin de Max à Buissonville. Le jardin maraîcher (jardin d'âme Hour) de Jérôme à Hour, peuplé de roulottes et de yourtes n'a rien à envier au village de Mesnil Eglise (où 101 personnes s'entassent sur la place du village!) Le chanteur d'opéra qui nous accueille à Falmignoul vaut bien le directeur de l'hôpital de Mont-Godinne qui nous laisse jouer dans le hall d'entrée. A Namur, Hélène découvre ses voisins, à Franières, c'est Pascal surpris par le nombre de ses cousins! Besoin d'Art? Besoin d'Air? Sombreffe nous accueille sous un chapiteau de cirque. Et le lendemain, nous jouons dans une galerie d'art. Les expériences théâtrales continuent, et nous jouons pour une maison de femmes en difficultés, et enfin dans le quartier des Arsouyes à Namur où le final dans une rue rendue piétonne fait rire les plus démunis des habitants, invités par la Maison Médicale. Quand donc les mutuelles se décideront-elles à rembourser les spectacles bons pour la santé?



"La femme grenaille est l'avenir de l'homme-grenouille"

Oui, nous laissons derrière nous des traces. Les rires ne sont pas les seuls à résonner longtemps. Armés de marqueurs et d'idées sur le monde et l'Homme, voici les tags laissés sur le bord du chemin. Bien malins si vous les retrouvez.




mardi 5 juillet 2022

La marche des philosophes 2022

Du 3 au 17 août prochains, la poésie se rendra à pied d'un village à l'autre en province de Namur. C'est le spectacle Ni Cage Ni Nid, et les joyeux comparses de la Cie des Chemins de Terre dont je suis.






Mercredi 3 août 20h : Grand Marchin 

Jeudi 4 août 20h : Ohey, ferme de Henrichêne

Vendredi 5 août 20h : Havelange, ferme de Froidefontaine

Samedi 6 août 20h : Heure-en-Famenne, rue du Stipy 

Dimanche 7 août 20h : Buissonville

Lundi 8 août 20h : Houyet, Petit marché de producteurs

Mardi 9 août 20h : Mesnil-Eglise 

Mercredi 10 août : Dinant

Jeudi 11 août : Mont Godinne, spectacle à l’Hôpital

Vendredi 12 août 20h : Namur centre 

Samedi 13 août 20h : Franière

Dimanche 14 août 20h : Sombreffe, fête de village, spectacle à 17H30

Lundi 15 août 20h : Petit Leez (Château) Galerie Exit 11 

Mardi 16 août 20h : St Servais, maison communautaire

Mercredi 17 août 20h : Namur, rue Ponty.


Comme nous jouons chez des privés, nous ne pouvons pas rendre publiques leurs coordonnées. Toutefois, les représentations sont ouvertes à tous! Appelez nous au 0479 49 17 60 pour en savoir plus.


Le spectacle en deux mots : 

« Avant la république des poils et des plumes, il n’y avait rien. Après la dictature des brosses à dents électriques, il n’y aura plus rien. » clament ces poètes fous, debout sur le trottoir. C’est Jean-Louis Banal et Jean-Claude Banal, les frères Banaux, qui sont venus vous avertir que notre fin est proche. Et qu’il vaut mieux en rire.



Texte de Timotéo Sergoï

Musique de Maxime Georis

Arrangements Chris Devleeschouwer

Mise en scène de Jean Lambert

Avec Chris Devleeschouwer et Stéphane Georis


Spectacle créé avec le soutien de latitude 50, le CAR à Ath, la Maison de la Poésie de Namur, le Festival de Chassepierre, la Fédération Wallonie-Bruxelles,secteur Cirque-Rue-Arts Forains, le service culture de la Province de Liège et Tribal Souk à Fratin. Merci à eux.

dimanche 3 juillet 2022

Namur : deux expositions à la fois!

 "Oui, ah oui! Le poète, il console toujours. Ah oui, le poète, il veut rendre le monde plus beau, c'est ça. Pour les autres. Pas pour lui, parce que lui, il supporte tout. il est en prison, parfois. Si! On peut mettre les poètes en prison. Dans mon pays, au Kosovo, j'ai été 6 ans en prison! Mais le poète ne souffre pas de ça, non. Il ne souffre pas de sa situation, puisqu'elle est naturelle. Il veut changer le monde, oui, ah oui, mais pour les autres. Par compassion, c'est ça..."




C'est Fernand qui me parle, un habitant du quartier des Arsouilles, à Namur. Je viens d'installer  avec l'aide de Kenzo l'acrobate affichiste, quelques banderoles et affiches grand format sur les murs de la rue St Nicolas et de la rue Ponty. Le soleil est là qui nous accompagne. 




" Ah oui, Les religieux, pas exemple, ils condamnent le poète. parce qu'il ne pense pas comme eux. Ah oui, Et ils aimeraient que tout le monde pense comme eux. C'est une religion, ah oui, ça ne se discute pas. mais le poète, lui, il ne cherche pas à faire de nouveaux disciples, il dit et puis c'est tout. Ah oui..."








C'est grâce au CINEX et à la maison médicale que je suis ici. Formidable travail social avec les gens du quartier, qui n'est sans doute pas le plus glamour de Namur, mais qui vaut le poids de son cœur de pierre ancienne et de béton. Les forains se sont installés entre les façades et la musique tonitrue un peu.




D'autre part, dans la même ville, j'ai installé une expo au cinéma CAMEO. Le café est empli d'affiches, de photos de mes réalisations ailleurs et d'écrits sur les vitres. 




Et puis surtout surtout et puis surtout ne l'oublions pas il y a cette grande fresque immense fresque (est-ce de la publicité pour du dentifrice?) collée au premier étage de ce cinéma CAMEO. C'est une affiche publicitaire qui devait se voir à Arlon lorsque la ZAD s'y trouvait. Elle fait 7m x 2,4m. C'est énorme. C'est magnifique. Et tout ça restera là, dans Namur, jusqu'au 6 septembre. 

" Ah oui, le poète il sent venir les mots sans demander, sans chercher. Tu sais quoi, Timour? Timothé? Timouthéo? Timotéo? Ah oui, tu sais quoi? je crois que je suis poète."



Ah oui, Fernand, tu es poète. Sans aucun doute.