samedi 11 mai 2024

Sassangy devient Sassanblés! La poésie change tout!



"Je voudrais remercier des gens qui sont morts (ils en sort la liste de sa poche), mais ils sont morts. (il jette le papier). Mais je voudrais surtout remercier tous ceux qui sont vivants de l'être restés jusqu'ici. Je veux embrasser chacun d'eux, chacun de vous. Que chaque œuvre d'art soit un baiser aux êtres vivants, et que chaque baiser soit une œuvre d'art pour quelqu'un."

C'est soir de poésie sur la place du Quincailler Corniste et du Boucher Noctambule, à Sassangy. Je dis deux mots de mon "Discours sur l'importance des grimaces et des baisers." Puis je le rappelle : Partant d'une histoire racontée par le cafetier Raymond, la place a porté ce nom à rallonge pendant la première édition du festival en 2022. Maintenant, la municipalité l'a adopté officiellement. Nous voici à l'inauguration de cette nouvelle semaine de la poésie, et tout le monde danse sous la pluie. Oui, Amélie fut assez subtile pour ne pas glisser le mot "danse" mais juste "donnez la main à votre voisin, voisine et on y va!" sa voix accompagne maintenant une ronde simple et légère sous la pluie. Tout le monde y joue, Armelle avec des escargots sur le cou, les paysans avec leurs mains sales, les enfants avec le rire aux lèvres. Tout commence bien. Dans un instant, nous irons nous réchauffer au tout nouveau "Café-maison" qui ouvre ses portes. 







Et puis il faut voir le village : les poèmes sont partout, écrits sur l'abribus, les routes, les panneaux, les vaches et les tonneaux. On y voit des photos de Pierre Acobas qui fêtent nos agriculteurs au travail, on y lit des mots de L'Homalenvers, voisin qui se découvre poète, ou de Quaspiedream, éleveuse et poète, ou encore un quatrain de Felix Pace envoyé par sms qui se verra vite écrit à la chaux dans le tournant vers l'autoroute et quelques mots de Raymond Partant, de passage chez nous deux jours. J'y vais, évidemment de ma verve avec un beau "C'est le printemps qui a raison et personne d'autre" sur la fontaine où viennent les tracteurs pour emplir les abreuvoirs. L'abribus est couvert de mots, le hangar municipal devient rhinocéros, les forêts deviennent livres de poèmes.







Le café-maison devient notre quartier général. Depuis quatre jours, il pleut comme vache qui pleure sur le paysage entier, alors il faut un abri. Chaque soir, nous nous rassemblons pour écouter de la poésie. Mardi, c'était Rose et Raymond, mercredi, Francine et Anne-Laure, puis ce soir, ce sera moi, Timotéo, et Christian m'accompagnera avec son accordéon en bois. Demain, Bertoc et Ludo. La parole est libre et franche. Sandrine et Ludo sourient, les bras ouverts, à cette tempête qui arrache les affiches sur la porte de la grange en face, ils proposent un café lorsque nous arrivons avec l'idée d'utiliser leur baignoire pour le parcours de dimanche et ils présentent des planches de fromages pour la rencontre poétique de ce soir. Oui, il pleut comme chèvre qui pisse mais la poésie est trempée comme une soupe qu'il fait bon déguster en cette fin d'avril.





"Enivrez-vous! Enivrez-vous sans cesse. De vin, de poésie ou de vertu, mais enivrez-vous!" dit Charles Baudelaire. C'est Sandrine qui nous le rappelle à l'heure de la rencontre poétique de ce vendredi soir, sous les nuages filandreux qui finissent de nettoyer le ciel. Un arc-en-ciel se forme encore sur un lointain de forêt alors que tout s'illumine. Demain samedi, c'est Pierre Abernot, le vannier, qui viendra avec ses osiers et une idée d'œuvre commune. "A côté du Monument aux morts, il va falloir inventer un Monument aux vivants. ce sera que que vous voudrez en faire!", dit le vannier. Et les mains toutes ensemble forment un oiseau. 




Dimanche. "C'est foutu pour le parcours." Il pleut encore à 9h30 ce matin alors que nous ouvrons les rideaux sur le paysage. Nous nous rendons tout de même au lieu de rendez-vous. Kenzo va tâter la prairie trempée où il devra sauter en cabri, je vais m'abriter dans la salle de bains où je devrai prendre un bain pour débuter le voyage et les musiciens n'osent pas sortir les instruments pour ne pas les exposer à l'humidité. 9h45. Il arrête de pleuvoir. Le ciel s'éclaircit. Et 90 personnes se rassemblent sur la place dont une tripotée d'enfants qui courent et une dizaine de chiens, pas tous tenus en laisse. Je suis dans ma baignoire, comme encore en coulisses. L'eau me console, la mousse me cajole. A côté de moi, François Merville essaie avant l'arrivée du public de faire sonner un bol ou l'autre, un couvercle de casserole, une planche à viande. Au loin, le discours d'Armelle se termine : "Bonne route! Regardez, écoutez, vivez!" Ils arrivent. 










Merci à Armelle, à la compagnie Deuzaileu, à Pierre Acobas, à Sylvie, Dorothée, Michel, et chacun chacune des habitant.tes de ce village incroyable de Sassangy. C'est un bonheur d'habiter ici. Merci aux artistes qui ont participé au parcours du dimanche : Kenzo, Jacques, Nicolas, Edith,  François et (parfois malgré eux) les habitants François, Malvina, Ludo, Sandrine, Noël.  

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