vendredi 19 juillet 2024

"Nous sommes une forêt de plumes" en tournée d'été




Dix représentations sur quinze jours. On y arrivera. J'ai parlé déjà de Lessines. Une semaine plus tard, nous étions à Bruxelles, au Théâtre de la Parole, formidable lieu de mots tenu par des femmes au souffle long et tenace. Leur festival s'appelle "Parole de résistance" et on y croise de belles voix. Le lendemain, c'était à Engis pour le festival des "Tchafornis", où deux représentations ont rassemblé près de 200 personnes. Lorsqu'elles se mettent toutes à chuchoter un poème fort, il y a de quoi trembler.

Puis Chalon sur-Saone. Festival International de Théâtre de rue. Ils nous ont confié le Jardin Botanique.




Second jour à Chalon. Le bouche-à-oreilles fonctionne. Ils sont 120 ce matin, 150 cet après-midi. Sans doute pas de journaliste, peu de programmateurs(nous le saurons plus tard), mais des poètes. Les mots sont forts, ma voix porte, je me sens comme habité du fantôme de Brel. Etrange sensation sous ces bambous rectilignes. Olivier et Samuel, les deux régisseurs, tremblent et s'empêchent de pleurer en saisissant la bouteille d'eau. Ensemble, le public applaudit à chaque silence comme pour souligner les textes. "Le roi, c'est celui qui chante!" (applaudissements) "et nous chierons sur leurs chapeaux..." (applaudissements)"Avec du théâtre dans toutes les rues de la ville, nous construirons de la lumière" (applaudissements)...




J'ai appris à ne pas pleurer. "Le but, c'est que le public pleure, oui, mais pas toi." disait Aurélien Dony, le génial metteur en scène de ce que nous jouons sous les arbres. Alors je respire, je vis et je prends le recul nécessaire pour dire ce qu'il faut dire. Sans pleurer. Et quand je salue, les mains sur le visage, le public se lève et frappe dans les mains de longues minutes. Mon corps s'épuise dans ce feu-là. Mon mal de dos a disparu le temps de monter sur le cercle de planches. Il reviendra après, je le sais, deux fois plus fort avec les limites que j'aurai dépassées. Mais je men fiche. Je brûle. Je brûle. Je brûle. 




Deux jours à Chalon. Quatre représentations. Et quatre poèmes neufs. 

Je retiendrai celui-ci :

Nous sommes une forêt de plumes

Des ailes d'encre, des oiseaux bleus

Partis de rien, voici l'écume

Allons ensemble brûler des pneus!




Il faudra que j'apprenne à consoler les spectateurs qui viennent me trouver après. Demain, nous jouerons à Ortho pour le festival Bitume. Un grand costaud viendra pleurer sur mon épaule. Un autre, vieux et tremblant, viendra me chanter quelques mots de Brigitte Fontaine : "Si j'étais un caillou, tu pourrais me jeter sur quelqu'un, je ne pourrais rien faire. Si j'étais un arbre, tu pourrais faire de moi une crosse de fusil, je ne pourrais rien faire..." Il chante doucement, pour moi seulement, à ma sortie de scène. Poésie, poésie, poésie. Non, ce n'est pas moi, le poète. C'est nous.


Les photos sont de Pierre Acobas.

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