mardi 11 mars 2025

Rire ensemble : la première pierre du Viaduc Sassangy-Bruxelles



Rire. Oui. Rire ensemble. Oh oui. La poésie se cache sous nos rires. Ce samedi 8 mars 2025 dans le petit village de Sassangy, en Bourgogne, nous avons rassemblé du monde pour rire ensemble. Dans le cadre du "Festival de la pierre" mis en place par la Communauté de Communes, les villageois se sont unis autour d'un thème unique et dérisoire, absurde et tellement parlant : nous posions au milieu de l'ancienne carrière la première pierre du viaduc Sassangy-Bruxelles avec discours du maire, présence du Ministre belge des affaires étranges, maquette et démontration des ingénieux ingénieurs plus vrais que nature, pelleteuse en ordre de marche et bruyants  manifestants.  




"Qui est vrai et qui est faux?" est devenu le jeu des 180 spectateurs.trices présent.es. On pouvait se demander qui de la sénatrice délirante (elle est vraie), de la déléguée aux affaires en cours (elle est fausse), du maire (il est vrai) ou du ministre belge (il est faux, mais on voterait bien pour lui), qui a dit le plus beau discours? Qui fut le plus convaincant.e?




En tout, 40 personnes étaient sur scène, sur le qui-vive pour près de deux heures de délire hilarant. Le conducteur de grue a ri. Notre ouvrier communal a ri. Les Belges qui habitent par ici ont ri. Et il reste dorénavant une plaque comémorative qui stipule au milieu des cailloux abandonnés au vent : "Ici, le 8 (ouit) mars 2025, fut posée la première pierre du viaduc Sassangy-Bruxelles par Monsieur Michel Boibière, bourgmestre de Sassangy". Le maire s'appelle Michel Boivin. Il en rit encore.




Avec le collectif Le Chien sur le toit, la Festive, la Batucada de Granges, la Cie LLE, la mairie de Sassangy, la participation de John-John Mossoux et l'appui de la ComCom Cote sud Chalonnaise. Photos de Pierre Acobas. Merci à lui!

jeudi 13 février 2025

Par ouï dire : Emission de l'émotion




Hier soir, 12 février 2025, dans les confins de la nuit où l'on attend un printemps, la voix de Christine Van Acker se fait entendre à a radio : "Marcher loin des écrans fait de nous des oiseaux" est un livre, oui, mais c'est aussi un poème de 801km". Ici commence une émission d'hommage à ce livre et à cette aventure qui me mena durant l'été 2021 de Namur à Brive-la-Gaillarde à pied, inscrivant chaque jour un poème sur un support croisé sur la route : panneau, vitre, palissade,... 

S'ensuivent un très beau texte de mon ami Aurélien Dony, des extraits de ce poème kilométrique, des récits, des témoignages de personnes croisées : Ladislas, Patrick, Vera. Et la voix émouvante de celle qui donne sens à mes jours aujourd'hui : Miss Univers. Oui, je l'ai rencontrée sur ce chemin là et comme le dit mon fils Emile, c'est la surprise, le but non recherché, le cadeau inattendu de ce voyage. 

A vous de découvir la version podcast de l'émission en cliquant ici :

https://auvio.rtbf.be/emission/par-oui-dire-272

et le livre est disponible chez moi (messenger Timotéo Sergoï), auprès de la maison d'édition (Arbre à paroles : https://www.maisondelapoesie.com/catalogue/marcher-loin-des-ecrans-fait-de-nous-des-oiseaux/) ou encore dans toute bonne librairie. 



lundi 3 février 2025

Marcher loin des écrans : soirée lecture à la Maison de la poésie de Amay (B)

Peu de mots pour dire une magnifique soirée. Je laisse parler les images.

Les éditions "l'arbre à paroles", sises à la Maison de la poésie de Amay (B) m'ont invité pour un apéro-poéVie le 25 janvier dernier. Un atelier, d'abord, qui a rassemblé 16 personnes autour de petits Post-it poétiques disséminés le soir-même dans la ville, sur les portes, les bancs, les poteaux. O surprise : le lendemain, le Fb de la Commune d'Amay en parle!

 



Ensuite, c'est David Gianonni qui prend la parole pour présenter le premier livret (Bookleg) de Camille Coomans. Bravo, Camille, c'est un magnifique début! 

Tout à coup débarque Aurélien Dony qui a manqué son train et court. Il doit s'asseoir et lire des extraits de mon livre "Marcher loin des écrans fait de nous des oiseaux". Il le fait à merveille. Je partage avec ma voix ces moments de grâce, dans un silence fleuri de soupirs. Les magnifiques photos de Paul Jacobs en sont témoins.

















Enfin, si vous voulez revivre ce moment, vous pouvez toujours le revoir sur le fil de Fb. Le lien est ici : 



Marcher loin des écrans : une lettre de Emmanuel Faber!



Vous vous en souvenez peut-être, ma grande marche de l'été 2021 qui me mena de Namur (B) à Brive-la-Gaillarde (F-19), soit 801km, était rythmée d'un poème écrit chaque jour sur un mur ou un support public. Ce long poème aux voix multiples et au ton anti-capitaliste se basait sur une histoire vraie, celle de M. Emmanuel Faber. Cet homme d'affaire fut directeur de Danone France (soit 100000 employés) et gardait en tête l'énorme tâche de préparer son entrerpise à la Transition écologique. Il a donc réduit la différence de salaire Homme-Femme, préféré les emballages recyclables, favorisé les produits bio,... et s'est retrouvé mis à la porte par les actionnairtes mécontents de voir descedre leur dividende! S'il gèrait cela en bon père de la terre entière en épargnant à nos enfants l'enfer de la malbouffe, il ne rapportait pas assez de pognon à ces misérables.

J'avais donc fait de lui le centre de ma réflexion : si un capitaine du capital ne pouvait changer le monde à coups de milions et d'investissements, que peut faire un misérable poète qui écrit sur les murs? Qui peut réellement changer le monde? Diogène ou Alexandre le Grand?  La question reste ouverte. 

La surprise est arrivée vendredi 7 novembre dernier parmi mes e-mails.  Je lui avais fait parvenir, via son éditeur, un exemplaire de mon livre. Il l'a lu et m'en remercie en ces mots :


Cher Stéphane, - si vous me le permettez

 

Merci pour l’exemplaire de votre livre que vous m'avez fait parvenir. Je suis très touché par votre attention, par votre intention, avec ce livre.

Touché de retrouver dans les mots que vous avez égrené au fil des kilomètres ceux que j’ai prononcés, entendus, ceux qui ont peuplé mon existence et mes expériences pendant ces 24 ans dans cette entreprise, jusqu'au Bangladesh.

 

Par ailleurs, à la fois votre point de départ et votre point d'arrivée ont du sens pour moi. C'est à Namur que l'on m'a remis le prix de l'économie régénérative en 2021. Et Brive abrite l'usine de Blédina dont je me suis efforcé de faire le centre de nos productions en bio pour l'alimentation infantile. Je m'y suis rendu plusieurs fois pour suivre les progrès. Et peut-être vos petits-enfants ont-il à l’occasion goûté certaines de ses recettes.

 

Merci pour cette résonance. Oui nous partageons sans doute ce même combat, chacun avec ce qui nous a été donné pour le mener, unique donc nécessaire, chacun sur notre chemin vers un même but, sans doute, par delà l’horizon de l’espace et du temps.

Merci encore et bon chemin à vous.

 

"La beauté sauvera le monde."


Emmanuel Faber.





Cela vaut la peine de vous le transmettre, non?


mercredi 20 novembre 2024

Lons-le-Saunier : le fils du Baobab

 





Il se tient debout devant mon petit stand librairie. Sourire d’ébène, grand corps sénégalais habillé de chaud pour résister à l’hiver jurassien. C’est à Lons-le-saunier, où je suis venu installer des banderoles en ville et donner ds ateliers au collège, que nous nous rencontrons. « Je suis poète ! » affirme-t-il. Bien. J’acquiesce. « Mon grand-père, au Sénégal, était poète-griot. Et il m’a transmis ! » Ah oui, très bien. « On m’appelle le fils du Baobab » Enchanté, sincèrement enchanté. Et il me montre sur son téléphone un texte brut, haché des fautes que les algorithmes, qui n’y connaissent rien en poésie, n’ont pas pu corriger. Texte aussi brut que son parcours. Migrant, seul, perdu à quelques milliers de kilomètres de poussière de sa famille, on y tâte de la force, de la solitude, de la reconnaissance aussi envers ceux et celles qui l’ont aidé à pousser droit. Et le voilà devant moi. « J’ai beaucoup de textes, j’ai vu les vôtres dans la rue, là-bas, je voudrais publier. » Bonne idée. Mais ce ne sera pas facile. Continue à marcher. Tu es le fils du Baobab, ne l’oublie jamais, un repère dans le désert, un arbre qui nous délivre de la soif.








jeudi 17 octobre 2024

Samedi, Lille Wazemmes

 - Adam, ta longue barbe en bataille n'est plus très à la mode, tu sais. Cela ne convient pas dans notre foule propre, riante, dynamique et prometteuse d'achats!




Je pense à cette phrase que j'ai prononcée cet après-midi debout sur un container à verre en face du terrain de football du quartier de Wazemmes, à Lille. Les enfants footbalistes lachent un instant du regard le goal et l'arbitre pour venir crier, les mains dans le filet, "M'sieur, m'sieur, après, il faudra un ortographe!" Oui, oui, après...


Je suis au milieu de leur quartier, entre les quatre tours immeubles MAGENTA en béton, verre, plastique bon marché, en plâtre en poudre, en pavés prêts à voler. L'asso "Troisième virage à gauche" m'y a invité. Leur bureau minuscule et sans fenêtre enferme des paquets de papiers, demandes de sub, autorisations, situations de familles et projets artistiques à développer entre ces murs et ce ciel de pluie. Ils le font. Ils m'invitent. Ils invitent un artiste par semaine ou presque. Mais ils le font, oui, et le public arrive.




Nous avons démarré à huit devant le rhinocéros collé sur la vitrine d'un magasin abandonné. Puis sur la sortie de secours et sa porte de métal. Troisième étape : la rampe pour les handicapés et les poussettes qui mène au city-stade. Ensuite viennent le container à verre, le parc avec son jardin partagé (Où est la beauté? Dis-je elle est partout! Vous l'avez aussi chez vous!) Un coin de rue lugubre où nous dérangeons le dealer de service pour écrire à la craie "Google, ta gueule!". Enfin le pas de porte de l'association IRIS, quand la fenêtre s'ouvre sur une famile qui assiste au final depuis son premier étage. Oui, nous avons touché du monde. Outre les huit du début (restés fidèles sous la pluie), plusieurs familles, gamins à vélo, mères en poussette, pères flasques ou ados sur écran ont suivi. Ils ont ri, applaudi, crié. Voilà du théâtre comme j'aime à le pratiquer depuis 40 ans : pour tout le monde, sous le ciel, parlant poésie les yeux dans les yeux, hors festival. 

- Adam, ta longue barbe n'est plus très à la mode...




Oui, je sais. A présent, je suis rentré à l'hôtel. C'est un hôtel majuscule, néons, faux bois, chambre large et vitres claires posé à côté du centre commercial Lillenium dont les enseignes brilleront toute la nuit entre escalators et musique d'ascenseur. Il est 21h, je suis épuisé. Une douche chaude, puis je demande à la réception où je peux manger "Dans le centre commercial, monsieur, c'est ouvert jusque 22h"


La musique est entraînante, riante, dynamique et prometteuse d'achats. Elle crie trop fort. Les escalators sont bleus, lumineux, automatiques et les vitrines resteront allumées. et ce soir j'ai le choix : Burger Quick? Burger king? ou Burger corner? Ma longue barbe ne convient pas dans ce décor propre, dynamique et prometteur de vide, c'est vrai.



vendredi 13 septembre 2024

Un après-midi à Chavy



Le château de Chavy est un faux château. Sur une ferme du XVII, avec ses granges et sa porcherie, les propriétaires du XIX ont collé deux tours à pointes comme des casques guerriers turlurons et une trentaine de fenêtres de théâtre comme pour obtenir un décor au fond du parc. Et il fait illusion. Ce n'est donc qu'un paquet de plâtre et de carton pâte, idéal pour un festival. La compagnie Juste avant l'oubli habite en face, parmi les douze maisons du bourg minuscule. Et quand ils ont rencontré les propriétaires du château, l'idée saugrenue du festival est arrivée. Posée sur la table. Déballée. Aussitôt adoptée. "Un après-midi à Chavy" en est à sa seconde édition. Les enfants envahissent le gazon, les adultes prennent le verre de vin blanc local à l'ombre des marronniers et les propositions artistiques explorent la grange, la pelouse, le four à pain ou les écuries. Ce n'est que plaisir et folie.




J'ai affiché là, collé sur le crépi du château, fixé aux portes de la cuisine, tendu sur la grande grille d'entrée quelques poèmes qui touchent le soleil. Le village d'Ozenay, voisin peu bruyant, a reçu le rhinocéros sur le mur de la poste, des fleurs sur ceux de la mairie et "le lendemain" sur l'église. La pluie a rincé un peu le tout, mais on se dit que c'est le destin qui marque de son doigt le cours du fleuve Poésie.




On y croise un Cirque Cosmic, famillle de saltimbanques voyageurs, quelques compositieurs électro-acoustiques à la moustache encaustiquée, un exceptionnel cuisinier voisin (les Terrasses à Tournus) qui s'occupe du festin du dimanche, une superbe installation de l'artiste Liza Mazoyer dans les chambres bleues et blanches, magnifiques objets, plumes, gravures, paquets d'alumettes brûlées d'amour. On y lit aussi des lettres non écrites, on y écoute une chanteuse occitane, on y écrit sur les murs et on finit dans un éclat de rire avec Ludor Citric, le génial Cédric Paga.



Amélie et Quentin, programmateurs peuvent être fiers. Olivier et Marianne, propriétaires des lieux,  peuvent être fatigués. Guillaume et Dorothée, régisseurs généraux, sont très heureux. Oui, la fête fut réussie. Belle. Chaude. Trempée de pluie et de transpiration.

samedi 31 août 2024

Mutterscholtz + Poketo = pokemutt et Scholtzersol

 


"Où faut-il poser la plume pour qu'elle serve aux oiseaux de plomb?" la question est posée sur le macadam du parking, près du temple protestant.

"C'est comment, un diamant?" La question est posée sur le pavé à la sortie du jardin commun et la réponse un peu plus loin : "Un noyau de cerise aveuglant."

Mutterscholtz est un village d'Alsace. La parole m'y est donnée dès l'inauguration du festival (qui a la bonne idée de se nommer "L'avide jardin") parmi les sept discours officiels. Le maire me confie : "D'habitude, on finit par le plus important. C'est le préfet. Le protocole interdit de parler après lui. Mais nous ferons une exception pour la poésie."




Ca transpire entre les murs et les affiches. Le festival manque de s'appeler l'aride jardin. Sur deux jours, je poserai quatre fois mon spectacle Poketo poketo poketo poumpoumpoum entre les rares surfaces d'ombre où se rue le public et les murs où trônent mes 40 affiches. C'est un plaisir.








Et puis voilà le soir. La nuit tombe avec le vent d'orage qui vient secouer tout ce qui est agrafé aux parois de bois. Je vois les enfants qui courent derrière les affiches pour les porter à l'abri. C'est leur jeu et cela m'est utile.


Je vais rentrer dormir. Sur le chemin, une femme passe à vélo. Sa robe d'été vole, malmenée par un vent coquin. Elle me voit, reste agripée à son guidon et me crie "Google?  ", à quoi je réponds en riant dans le silence du village endormi "Ta gueule!". La nuit porte merveilles. Vent, lune et révolution dite. 

"Ne serions-nous pas nés pour vivre cet instant précis?" La question est posée sur le sol noir de la route, entre les maisons de bois et la cheminée où trône le nid des cigognes.



notez qu'un article est paru sur un blog littéraire :

>> https://www.coze.fr/2024/08/retour-sur-poketo-poketo-poketo-poumpoumpoum-presente-au-festival-lavide-jardin/

mardi 20 août 2024

Exit 11 : centre d'art contemporain

 Il est écrit en grand "Centre d'Art Contemporain" sur la façade. Et j'y suis invité. Oh, ce n'est pas la première fois. J'y ai exposé déjà il y a trois ans parmi une douzaine d'artistes fous. Mais cette fois-ci, nous ne serons que cinq. J'y pose de belles pièces, dedans comme dehors. Et pour le vernissage, je jouerai Poketo poketo poketo poumpoumpoum parmi les fleurs, les arbres, les sculptures africaines et les vieilles pierres du château.




Les quatre autres s'appellent Olivier  Cellière, Raphaël Decoster, Mira ou Alain Verschueren. Le premier recolle des affiches déjà bouffées par les escargots (ils sont invités à l'expo avec leur mobil-home de nacre), le second nettoie des racines déterrées sechées comme des méduses de bois sous globes de verre et le troisième a tellement la nostalgie de la mer qu'il la filme, allant et venant au rythme de sa respiration. C'est de l'art contemporain. 



Quant à moi, sûr de ne pas être de la famille, je placarde mes affiches naïvement revendicatrices sur les murs de brique. Une ou deux linogravures originales décorent la librairie et le fleur de "Tout Ce qui Avance" figure au sein de la galerie. Non, ce n'est pas conceptuel et ça ne se vend pas très cher. Je ne suis pas de la famille, je vous dis. Juste heureux de me trouver là.

Et d'ailleurs : ce jour de vernissage est magnifique. Le lieu est magnifique. Et faire éclater de rire les trente personnes qui me suivent dans ma déamblation poétique au milieu de ce jardin-là est magnifique. C'est Fred Chemama qui l'a filmé.




vendredi 19 juillet 2024

"Nous sommes une forêt de plumes" en tournée d'été




Dix représentations sur quinze jours. On y arrivera. J'ai parlé déjà de Lessines. Une semaine plus tard, nous étions à Bruxelles, au Théâtre de la Parole, formidable lieu de mots tenu par des femmes au souffle long et tenace. Leur festival s'appelle "Parole de résistance" et on y croise de belles voix. Le lendemain, c'était à Engis pour le festival des "Tchafornis", où deux représentations ont rassemblé près de 200 personnes. Lorsqu'elles se mettent toutes à chuchoter un poème fort, il y a de quoi trembler.

Puis Chalon sur-Saone. Festival International de Théâtre de rue. Ils nous ont confié le Jardin Botanique.




Second jour à Chalon. Le bouche-à-oreilles fonctionne. Ils sont 120 ce matin, 150 cet après-midi. Sans doute pas de journaliste, peu de programmateurs(nous le saurons plus tard), mais des poètes. Les mots sont forts, ma voix porte, je me sens comme habité du fantôme de Brel. Etrange sensation sous ces bambous rectilignes. Olivier et Samuel, les deux régisseurs, tremblent et s'empêchent de pleurer en saisissant la bouteille d'eau. Ensemble, le public applaudit à chaque silence comme pour souligner les textes. "Le roi, c'est celui qui chante!" (applaudissements) "et nous chierons sur leurs chapeaux..." (applaudissements)"Avec du théâtre dans toutes les rues de la ville, nous construirons de la lumière" (applaudissements)...




J'ai appris à ne pas pleurer. "Le but, c'est que le public pleure, oui, mais pas toi." disait Aurélien Dony, le génial metteur en scène de ce que nous jouons sous les arbres. Alors je respire, je vis et je prends le recul nécessaire pour dire ce qu'il faut dire. Sans pleurer. Et quand je salue, les mains sur le visage, le public se lève et frappe dans les mains de longues minutes. Mon corps s'épuise dans ce feu-là. Mon mal de dos a disparu le temps de monter sur le cercle de planches. Il reviendra après, je le sais, deux fois plus fort avec les limites que j'aurai dépassées. Mais je men fiche. Je brûle. Je brûle. Je brûle. 




Deux jours à Chalon. Quatre représentations. Et quatre poèmes neufs. 

Je retiendrai celui-ci :

Nous sommes une forêt de plumes

Des ailes d'encre, des oiseaux bleus

Partis de rien, voici l'écume

Allons ensemble brûler des pneus!




Il faudra que j'apprenne à consoler les spectateurs qui viennent me trouver après. Demain, nous jouerons à Ortho pour le festival Bitume. Un grand costaud viendra pleurer sur mon épaule. Un autre, vieux et tremblant, viendra me chanter quelques mots de Brigitte Fontaine : "Si j'étais un caillou, tu pourrais me jeter sur quelqu'un, je ne pourrais rien faire. Si j'étais un arbre, tu pourrais faire de moi une crosse de fusil, je ne pourrais rien faire..." Il chante doucement, pour moi seulement, à ma sortie de scène. Poésie, poésie, poésie. Non, ce n'est pas moi, le poète. C'est nous.


Les photos sont de Pierre Acobas.

lundi 1 juillet 2024

"L'Autriche, l'Homme aussi!" Louis Scutenaire à Lessines

 



"Il me faut un poète ou une poétesse! Vous êtes poètes? Vous, vous êtes poète? Dites-moi oui!" Oui, ils-elles sont dix poètes et poétesses sur les gradins de notre spectacle "Forêt de plumes", dans le village natal de Louis Scutenaire dont nous fêtons aujourd'hui le 119ème anniversaire. Nous sommes le 29 juin, à deux pas de la maison où il naquit (une plaque le confirme) et dix semeur.ses de beauté sont rassemblé.es ici. Il y a Laurence Vielle (qui a sorti un gâteau d'anniversaire et fait chanter le public "Joyeux anniversaire, Louis!" Il y a Aurélien Dony qui finit d'écrire son texte sur le chemin, encore imbibé peut-être de cette soirée d'hier où il a découvert une bibliothèque à la lumière d'une lampe torche, dit-il, et la salle de spectacle à celle d'une bouteille de vin blanc. Il y a Catherine Barsics qui va se coucher sur les rails du chemin de fer abandonné. Il y a  Thierry Lefèvre, inépuisable bavard qui porte un parapluie dans la parc entre toutes les espèces de Scutenaires que portent les étiquettes d'arboretum : Scutenaire à larges feuilles, Scutenaire mâle, Scutenaire à feuilles de margritte,... 




Il y a Laura Schlichter, engagée comme une ouvrière dans l'usine abandonnée où les graffitis proclament avec la voix du Scut : "Prolétaires de tous les pays! Je n'ai rien de spécial à vous dire!" ou bien "Tout ce que tu vois ici en fermant les yeux m'appartient!" Il y a David Murgia. Sa toute petite silhouette envahit le façade de la maison natale du Scut avec un texte de Raoul Vaneigem. Il y a encore David Notebaere qui parle avec sa voix de stentor de Dieu, de sexe et de femmes sous le tilleul devant l'église. Et il y a Delphine Veggiotti qui nous surprend avec un dialogue face à une échelle, laquelle se prénomme Scutenaire. Enfin, il n'y a pas Vincent Tholomé. Mais nous tenions à ce qu'il soit de la fête, malgré ses soucis de santé. Alors dans le cimetière (dont le mur est orné d'un large "Je me sens si jeune, il est vrai que je suis entouré d'éternité!"), entre les buis, les tombes et les croix de pierre, sa voix résonne, enregistrée au téléphone, sur ses élucubrations d'auto-portraits de morts-vivants dont Louis le Scut et tous les doubles de Vincent.




La promenade est belle, forte, diverse, commencée sous le soleil et achevée sous l'orage. Ce sera alors à nous et notre spectacle "Nous sommes une Forêt de plumes".





Non, je n'ai pas vu la promenade. Si je dois parler de moi, je dois parler de douleur. Mon dos, mes hanches et cette toux grasse et profonde qui m'envoie des décharges sur la moëlle épinière comme tirant sur le glas. Aïe Aïe et aïe. Je dois donc gérer au mieux cette situation sans énergie. Anti-douleurs et repos forcé jusqu'à mon éveil et échauffement, une heure avant de jouer. Il pleut sur le préau de l'école. Il est 18h30. Les cinquante personnes ont pris place sur les gradins, je suis prêt. Je me suis caché sous la bâche pour attendre le début de la musique. On y est. Intro. Bâche. Le public me découvre. Il éclate de rire. Tout commence par le rire.




Merci au CC Magritte de Lessines et à toute l'équipe : Myriam, Vincent, Olivier, Chloé et tous les autres. Merci aux dix poète.sses cité.es plus haut. Merci à Louis Scutenaire, fantôme bienveillant de la journée!

mardi 18 juin 2024

Un article sur mon livre Marcher loin des écrans !

 Merci Véronique Bergen! Elle cerne ici le projet et en parle ma foi fort bien. Oui, la Poésie tente de changer le monde. Et nous y arriverons!

https://le-carnet-et-les-instants.net/2024/06/11/sergoi-marcher-loin-des-ecrans-fait-de-nous-des-oiseaux/?

POEMA en Lorraine (fin. Déjà?)

 Ce serait comme un nouveau livre, grand de quelques hectares. 



Il s'appelle Soléole et se situe au-dessus de Bezaumont, près de Pont-à-Mousson. Les pages sont brouette, murs, roulotte ou éolienne. Partout où peut paser mon pinceau, peut naître la Poésie. J'extrais des phrases courtes, aphorismes, proverbes de quelques lettres (50 maximum pour le tronc mort, plus court parfois pour les abat-jours) et les calicots se peupleront de noms d'arbres et de phrases d'urgence. Ce soir, c'est la restitution de mes trois résidences POEMA. Oui, j'ai passé trois frois quinze jours dans la région à donner des ateliers et à travailler sur mes propres projets (4 livres sont en cours, ils ont bien avancé, et 2 affiches sont nées ici.) On peut voir au long des sentiers des miroirs, des cadres vides, des traits de chaux et de pinceau pour s'en souvenir, et les linogravures agrandies dont les auteurs sont parfois présents. Douze comédiens-comédiennes menés par Sandrine Gironde diront des textes sur le même thème de l'arbre. On y entend du Françoise Dorion, on y entend les résultats des ateliers (une auteur présente le reconnaît, elle est troublée!), on y entend aussi "La forêt brûle, mes frères, mes soeurs" (qui a servi our la ZAD belge en 2021) applaudi ...avec chaleur.







Mais le clou de la soirée était sans aucun doute la présence du jeune Victor Noël. Il a dix-neuf ans, on lui tend la micro et aussitôt, accompagné par Patricia aux machines électroniques, il nous rappelle, comme en une conférence intime, parfois chuchotée parfois interrompue par une limace ou un oiseau à qui il cède la priorité (quel seigneur!) que nous avons un ancêtre commun unicellulaire. Oui, tous, les escargots, les poules et le chefs d'entreprise ont un ancêtre commun qui portait comme prénom Protozoaire. Son discours nous emmène vers l'émerveillement envers la Nature. "Mais la Nature n'existe pas, dit-il, l'anthropocentrisme a déformé nos regards et nos voix. Le capitalisme détruit encore ce qui reste de Nous!" Alors Victor passe de l'émerveillement à l'indignation, de la Beauté au Combat sans guerre, du bonheur à la bataille.  Formidable moment.


 


Il a plu sur le parcours. 
Il a plus sur les poèmes. 
Il a plu sur la toile du chapiteau. 
Il a plu sur la Poésie. 
Mais elle sévit encore, 
encore et encore.




Merci POEMA, merci Franck, Sandrine et Mathieu. Merci à Laurence de la bibliothèque de Pont-à-Mousson, merci Baptiste de la Com-com Seille et Grand Couronné. Merci aussi aux Soléolien.nes : Alban, Cécile, Jocelyn, Guyx. Merci et à bientôt.