Tout commence autour d'un plat de spaghetti. Voilà le début du monde. Et demain démarre la Marche des Philosophes de cette année. La dixième. Le projet est un peu exceptionnel. Tout d'abord parce que c'est une commande : le Centre Culturel de Dinant nous invite et nous paie (!) dans le cadre du PECA (Ecoles, Art et Culture). Ensuite, parce que ce seront des ateliers scolaires (et non des spectacles) que nous allons donner, Armelle et moi. Nous voici donc dimanche 30 mars à Eghezee, prêts à démarrer autour d'une assiette de spaghetti avec à notre table Christophe Rolin, coordinateur général et Marie-Jeanne du CC Eclat pour une première étape demain à l'école de Liernu, à deux pas, dit-on, du pied d'un chêne millénaire.
Première question à la classe : C'est quoi, la beauté, les enfants?
Seconde question : si je dis avec Jacques Prévert
La vie est une cerise
La mort est son noyau
L'amour, un cerisier,
Comment pourrait-on remplacer la cerise pour parler de la vie?
- La Vie est une fleur, la Mort est une tondeuse, l'Amour, un grand bouquet! (Maïlie)
- La Vie est un caillou, la Mort est fissure, l'Amour une montagne! (Maxime)
- La Vie est un chemin, la Mort est une impasse, l'Amour, le voyage! (Zélia)
- La Vie c'est les maths, la Mort c'est les devoirs, l'Amour, le bulletin (Gianluca)
Et nous allons ainsi, à pied, de Liernu à Mazy, de Gembloux à Ligny, de Moustier-sur-Sambre à Ham (sur-Cendres? l'usine Solvay fait ici des dégâts visibles), longeant la Ligne ou la Sambre et ses méandres bétonnés. Nous dormons chez les habitants. Merci, Julie et Marc, merci Catherine pour la yourte, merci Bernard pour la ferme de Martinrou, jusqu'au gigantesque séminaire de Floreffe et ses airs de Poudlard de chez Harry Potter. A chaque classe, nous distribuons des cartes postales à destination de la classe suivante. "Vous offrez un cadeau de beauté. Vous allez à votre tour en recevoir un. Prenez-en bien soin!" Ils le font. Leur sourire en recevant la carte dessinée par un.e inconnu.e fait plaisir à voir.
Oui, la beauté est irremplaçable. Elle nous nourrit, elle nous transforme. J'en veux pour preuve le bonheur de vivre cette expérience unique et riche. Rencontrer chaque jour de nouveaux visages, toucher de nouvelles mains, observer le dessin des enfants, leur course dans l'herbe pour imiter l'arbre ou la jonquille (photo), écouter leurs voix qui dictent un poème écrit à l'instant-même. L'amour a toute sa place dans cet émerveillement.
Le retour est difficile. Acheter un journal sur le quai de la gare qui nous ramène chez nous me fait tomber des nues. LIRE que Donald Trump ajoué une scène de jeu télévisé pour annoncer officiellement le taux des taxes de douanes aux importations de différents pays est affligeant. LIRE que Vladimir Poutine tente encore d'écraser une ou deux villes d'Ukraine avant de faire semblant de signer des accords de paix est atterrant. LIRE que l'armée israëlienne tire volontairement sur les ambulances et les médecins qui agissent à Gaza est désespérant. Quelques vieillards blancs élus ivres de pouvoir jouent leurs dernières cartouches en massacrant ce qui n'est pas dans leur miroir propre. Et nous marchions pour apprendre aux enfants la liberté de voir, de nous émerveiller, de sourire. Nous dressions la Beauté comme rempart à la barbarie qui nous encercle. Pourvu que les quelques graines plantées là poussent un jour.
Merci aussi aux intervenants locaux (Marie-Jeanne de Eghezee, Thomas et Adrien de Sombreffe, Amélie de Ham, Isabelle de Floreffe) ainsi qu'aux instituteurs-trices impossible à nommer toustes pour leur patience et leur accueil magnifique!
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