jeudi 2 mars 2023

Andenne, ville des ours

 


« Tu vas chez les ours ? » grogne Dominique. Elle est Andenaise d’origine et n’en garde pas un bon souvenir. Oui, certains d’entre les habitants de cette ville se prennent pour son symbole : l’ours. Mal léché parfois.

Un coup de téléphone hier a semé la panique : je suis invité par le Centre Culturel, les dossiers sont déposés depuis longtemps auprès des autorités compétentes, mais la Ville n’a pas encore donné son autorisation complète. Elle demande « l’intégralité des textes exposés dans les rues ». Censure ?

Séverine, qui s’occupe de coordonner le projet s’écroule. Elle y travaille depuis un an. « Vous comprenez, monsieur Sergoï, il va falloir retarder le montage d’une semaine ou deux. » dit le directeur. Non, je ne comprends pas. Il y a quelques jours, déjà, nous avions assoupli les angles et arrondi les jointures : pas le mot « chier », pas d’affiche sur le monument, pas de « Capital est une maladie » au terrain de tennis, nous avons dit d’accord. Alors pourquoi la veille du montage cette nouvelle montée d’adrénaline ?

Attention. La Ville tient en mains la subvention du Centre Culturel. Si nous désobéissons, c’est l’emploi de Séverine qui est en otage. Autour du café, ce matin, il y a Séverine, désolée et atterrée, Eric le régisseur prêt à aider si nous décidons de coller malgré tout, Kenzo qui approuve et se voit prêt à désobéir, puis la jeune femme qui s’occupe de la communication du CC. « Que dirait-on si on annonce sur Facebook le report de l’expo à cause de la décision de la Ville ? » « C’est comme une déclaration de guerre, dit-elle. On n’a pas le droit de dire du mal de nos employeurs. »

Je cite les exemples de Sprimont l’an dernier où la population avait répondu à la même menace « Affichez-le à ma fenêtre, ils n’ont rien à dire ! » ou celui de Eghezée en 2020 où quatre jeunes ont réagi à la même situation en collant mille autocollants contre la censure. Il y a une action à penser, et il faut la mettre en place sans menacer ni Séverine ni le Centre Culturel.




- Où pouvons-nous afficher en nous passant de leur autorisation ?

- J’ai celle des écoles primaires et secondaires. Et la maison des jeunes.

- Bien. Il y a aussi les magasins.

- Tu as compté les panneaux d’affichage libre ?

- Il y en a deux. C’est déjà ça, et ils sont dans la rue où habite le bourgmestre.

- Parfait !





- Et la façade du Centre Culturel. Tu peux y peindre.

- Un grand « Obéir n’a jamais changé le monde »?

- On y va.

- Tu sais le pire ? La bibliothèque communale, lieu de la poésie par excellence, n’entre pas dans le projet. Peur de salir les vitrines. Peur de contrarier les ours. Ce sont les ours qui ont le pouvoir.

- Les abeilles peuvent en venir à bout.





L’exposition se tiendra donc dans les rues d’Andenne à partir du 17 mars et jusqu’au 30 avril. Ce jour-là, un atelier tout public poésie et linogravure le matin, puis mon spectacle Poketo poketo à 15h au Centre Culturel. Info : 085 84 36 40

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