mercredi 7 décembre 2022

Et une nuit, Tournus!

     




Retour au sauvage. Assez de travaux commandés, assez de public ciblé, de demandes subventionnées, je retourne dans la brousse des villes inconnues où je ne suis pas invité. 

Encore que...

   Sept personnes m'attendent Place de la Craie à Tournus. Ce n'est pas le nom de la place. Ils l'ont rebaptisée comme ça à la craie sur un mur. La maison de L est bardée déjà d'affiches et de mots doux. Elle imprime ses gravures à la cuillère sur la table de sa cuisine. 

   E et H sont venus. Ils sont grands tous les deux et portent une échelle d'aluminium sur l'épaule en arrivant à vélo. "Ce sera utile..." N et P sont là aussi "Nous somme les plus petits, nous nous occuperons du bas des affiches." J porte sourire fort et boucle d'oreille. C'est un grimpeur. B a préparé de a colle. J'ai un sac d'affiches. Nous quittons la place pour explorer le quartier. La maison du docteur a un très beau pignon : On y place un arbre en trois pages. La maison des femmes a rénové sa façade. Une petite main suffit. "Les lycéens passent devant cet immeuble chaque matin" Alors l'affiche "Tu es poète!" Le kiosque, la place de la Mairie, la salle de concerts, ils connaissent tous les spots.

   Ils connaissent aussi toutes les caméras, et on s'en moque. Le café abandonné? Quelques mains endormies tachées d'encre. L'entrée d'une ruelle? Trois regards de bouche. Le quai? un conteneur? Le poids des mots fera crouler les murs. 




   Mais ici, le mur est plus haut : Oui, mais si on la colle assez haut, personne ne viendra l'ôter. J attaque, agrippe la gouttière, empoigne le balcon, se pose en haut d'un poteau. on lui passe la brosse à colle puis une affiche, il plaque tout et saute au sol. "Celle-là, elle restera!"

   A ce propos, L veut me montrer quelque chose. Une petite rue qui doit dater du moyen-âge. Les réverbères y font des taches de lumière. Un arbre dépasse au-dessus du mur. Et là? Une fenêtre au volet clos depuis longtemps. Abandonnée sans doute. Mais sur ce volet, intouchable depuis trois ans, une affiche. Un corbeau. Le "Pirate" habite la rue depuis mon passage ici l'été 2019 sur la péniche.

   Je me souviens de ce collage express sur l'heure de midi. Cette ville médiévale magnifique m'avait appelé. Je suis descendu du bateau une heure armé d'un seau et d'une brosse pour placarder dix affiches en plein jour. Le lendemain, un message sur Fb m'interpelait "C'est vous qui avez fait ça?"... euh... Oui, si vous n'êtes pas de la police... c'était L. 

   Qui se doutait de nous deux qu'un jour je m'installerais dans le coin? Qu'une nuit je reviendrais coller ici avec la complicité de 7 habitants? Que cette affiche "le pirate" aurait réuni cette bande qui ce soir m'accompagne? Cela mérite un autre coup d'éclat. Le cosmonaute prends place sur le même mur au milieu d'une fenêtre murée. 

   La nuit fut magnifique. Une trentaine d'affiches sont collées. Ils me promettent de photographier tout ça demain. Puis très vite, on se disperse, et mes phares éclairent lorsque je démarre un rayon de lumière. C'est l'échelle sur l'épaule de E qui repart à vélo dans le silence de minuit. Merci. 




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