vendredi 24 juin 2022

Comme un cheval de chair sur un chemin de fer

 Seconde expérience de création avec la compagnie LLE (prononcez deux ailes). Il s'agit cette fois d'occuper, d'habiter, de faire vivre le viaduc de Crainsny, à Saules, en Saône-et-Loire. 





Et tout à coup, un petit matin très tôt, lorsque la lumière se glisse sous les arcades puis se faufile entre les feuilles de vrais chênes et de faux acacias, presque horizontale jusqu'à nos fronts de nouveaux nés, nous nous sentons chevaux de chair. 



Oui, nos corps piaffent, nos rires hennissent et nos courses sur les tuiles de la canopée nous ont emmenés déjà à travers cent hivers, cent étés, cent automnes. Et voici le printemps ruisselant comme les locomotives de cuivre de nos chemins de fer. 



La route aurait bien voulu être droite, calme, parfaite, plate, douce et infinie de nos naissances à nos morts. La voilà haute par dessus les arbres. Et la voilà qui tourne. La voilà écrasée de soleil et envahie de mouches. La voilà taillée en pierre. La voilà tout à coup profonde entre deux fossés de forêts. La voilà qui décolle au dessus de tous nos rossignols imaginaires. 




Et aujourd'hui, jeudi 23 juin 2022, quatre-vingts enfants nous regardent voler. Oui, leurs petites jambes, leurs minuscules mains, leurs casquettes de maman pour ne pas cuira au soleil, leurs yeux bleus innocents qui n'ont encore rien vu et s'émerveillent d'une abeille regarderont d'en bas, parmi les vaches terrestres et les cailloux trop lourds. 



Nos jambes s'agitent entre les barreaux du pont. Des feuilles jetées par delà la rambarde chutent de vingt cinq mètres, des yeux appellent "ohé !" et les petites menottes répondent "ici !". C'est un navire qui s'éloigne vers le ciel. C'est comme dire bonjour à un cosmonaute. C'est comme écouter un violoncelle volant ou une alouette hautbois. 




Une petite fille pleure. Elle murmure à son institutrice qu'elle est trop émue. Alors que pouvons nous dire d'autre ? Que le cheval de chair sur ce chemin de fer à vu passer trop vite l'enfance. 


1 commentaire:

CHABRIERE RENÉ a dit…

très beau, onirique et original....