J'avais poétisé Houyet, petit village dinantais. Bruno m'avait invité. Quarante poèmes étaient dissimulés sur les murs de la librairie ou de la maison médicale, tendus entre deux arbres ou sur le quai de la gare où les touristes viennent trouver les kayaks. Et j'avais donné trois ateliers : un pour le CPAS, un autre pour le cercle wallon, et un pour l'école primaire. Tout devait s'achever par un grand festival. Demain. Samedi 24 juillet.
Mais voilà : le ciel s'est mis à pleuvoir comme jamais. Et l'eau a envahi le monde. Le ciel en a donc décidé autrement. C'est le destin dit-on , en regardant les fenêtres brisées, les meubles emportés, les congélateurs inconsommables, les tapis boueux, les bureaux inoccupables, les papiers gonflés d'eau, les traces de terre sur tous les murs, toutes les portes, toutes les peaux, Et nous avons vus ces photos qui montrent des Zodiacs dans la grand'rue, des personnes qui nagent, de l'eau jusqu'à la ceinture, les pompiers qui pompent et les oiseaux qui rient. Le festival n'aura pas lieu, voilà qui est évident.
Les sept centres culturels qui avaient baptisé le festival "La Grande Traversée" (ça ne s'invente pas) décident alors de passer une journée solidaire, d'utiliser leurs camions et leurs bras pour apporter aux sinistrés des meubles, des couvertures et des biens alimentaires.
Et moi, du coup? Ils ont démonté mes banderoles. Bien sûr. Je devais venir. Je viens. Je devais afficher le résultat des ateliers. Je vais le faire. Je devais écrire de la poésie sur le sol du Ravel. Je vais le faire. Mais comment, dans un contexte de sinistre, parmi les voix des inondés de larmes, comment rendre cette poésie utile? Nécessaire? Génératrice?
C'est dans la salle des fêtes qui sert aujourd'hui d'entrepôt de secours, là où les sinistrés peuvent trouver un pull, des couvertures ou de quoi manger ce soir loin de leur cuisine, entre les flèches "Saucisses" et "thon en boîte" ou "dentifrice" qu'apparaitront les mots de leurs congénères. "Si la Mort est la lune, la Vie est le soleil et l'amour le ciel entier".
Puis, avant de partir, une dernière idée : Et si j'écrivais à la chaux sur le Ravel où se croisent les vélos et les promeneurs un message d'espoir à tous les sinistrés? Bruno demande à la bourgmestre. "Bien sûr!!" s'écrie-t-elle au téléphone. Bien sûr, oui.
La poésie est devenue une denrée de première nécessité. voilà.
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